Se délecter de l'ivresse de l'inconnu

Il y a toujours une première fois à tout. On est un peu un éternel puceau en somme. Avec toute la maladresse que cela peut supposer.

On ne peut pas dire que je suis à mon aise lorsque j’entre pour la toute première fois au château des Lys pour participer à l’anniversaire de Madame Lule, organisé à l’occasion d’un des célèbres goûters du Divin Marquis.

L’ambiance est feutrée, sombre, à peine la porte poussée. C’est comme un passage dans un portail vers un autre univers. Quelques secondes plutôt, j’étais une autre personne, au grand jour et à peine la porte s’est refermée derrière nous que je suis subitement devenue Julia. Normalement, il y a toujours une sorte de sas de décompression. Pas pour cette fois, on est tout de suite dans le grand bain, entouré d’habitués et de personnes pour qui il ne s’agirait presque que d’une après-midi comme une autre.

Après m’être apprêtée et avoir déposé les affaires de Maîtresse Blanche au vestiaire, je patiente seule à l’entrée de la salle principale. Elle va vite me rejoindre mais dans l’attente j’observe attentivement les personnes qui m’entourent. Si je pouvais me fondre avec le mur qui est derrière moi, je ne serais déjà plus qu’un meuble insignifiant, tant je suis impressionné et peu à l’aise. Pourtant, toutes les personnes présentes partagent mon penchant sadomasochiste et fétichiste. A commencer par Inanna Justice, qui me reconnaissant, vient me saluer d’une petite caresse affectueuse sur la tête.

Maîtresse Blanche finit par nous rejoindre et m’emmène au cœur de cette salle afin de rejoindre Madame Lule et ses ami.es. Peut-être que ce n’est que mon imagination mais je sens les regards de l’assistance. Comme si je n’étais qu’un bout de viande. Je trouve le «réconfort» grâce à deux choses : la proximité avec ma Maîtresse que je suis aux pieds et le collier que je porte (toujours fièrement) et que je vois pour la première fois comme un artefact de protection. Celui qui signifie que j’appartiens à une personne et que je ne suis qu’à sa seule disposition.

Après les présentations d’usage et les respects témoignés à Madame Lule, l’assemblée se dirige dans un lieu plus reculé. Toujours peu à l’aise, je me place immédiatement à genoux aux pieds de ma Maîtresse, n’osant trop regarder les autres invités. Il faut dire que je ne connais pour ainsi dire personne. Timide de nature, je garde les yeux rivés au sol, dans l’attente d’une directive ou d’un ordre. J’ai tout de même la chance de faire la connaissance d’un autre soumis, celui qui accompagne Inanna Justice pour l’occasion. Un grand dadais, un peu chien fou, avec qui je pense je jouerais prochainement. En tout cas c’est qu’il m’est signifié que de plus amples échanges lui permettront peut être de s’assagir à mon contact (je constate son côté espiègle très rapidement). Peut être que l’effet inverse se produira et que je deviendrais une insolente petite chienne ? Qui sait ?

 

Une fête d’anniversaire sans musique n’en serait pas une et c’est donc le point principal à régler dans l’immédiat. C’est un concert qui dictera la suite de cet après- midi mémorable. Avec une représentation vocale de soumis pour commencer. Je me joins, sur ordre de ma Maîtresse, à l’orchestre pour aboyer comme je peux les paroles de diverses chansons. Je prends mon rôle à cœur et au sérieux. Il faut dire que c’est tout de même plus en phase avec le collier, la laisse et mes gants en forme de pattes de chien que je porte.

 

Le concert se poursuit, mais sur une thématique de percussions. Deux soumis se positionnent à quatre pattes pour recevoir de grandes fessées assénées par Inanna justice et Madame Lule, sur le rythme, puissant, de We will rock you. Les coups résonnent. Mais pas forcément de la même manière. Est-ce dû aux artistes ou aux instruments ? La question mérite d’être posée. Pour y répondre, le mieux est d’organiser un grand blind test auquel je suis généreusement invité par ma Maîtresse à participer. Je me glisse à côté des deux gros tambours puis patiente. Je ne saurais dire laquelle a commencé mais de premières fessées viennent s’abattre sur moi. « Julia » répond instantanément Maîtresse Blanche. Me voilà tout de suite rassurée. Je suis forcément un instrument qu’elle connaît bien depuis le temps qu’elle en joue… Le blind test s’éternise ainsi. Je remarque pendant ce temps d’autres personnes jouant avec leur sens juste à côté. Un autre jeu, une autre ambiance. Une proximité physique mais un autre monde.

 

La fin du concert annonce un autre jeu, sans pause, sans transition. Allongé sur l’estrade moltonnée qui nous serte de scène de théâtre, je me retrouve la tête fermement maintenue entre les cuisses de ma Maîtresse qui torture mes mamelles, tandis que Madame Lule ou Inanna Justice viennent tour à tour chatouiller les divers soumis toujours positionnés au rang d’oignon. Je ris aux éclats. Chaque chatouille de ma Maîtresse ou de ses amies m’emmène dans une sorte de transe, vers un autre univers dans lequel je commence à me sentir un peu plus à l’aise.

C’est exactement à ce moment que je me retrouve de nouveau poussée dans mes retranchements. Attaché par les mains au grand chien fou cité plus haut, je repars comme je peux avec lui vers la salle principale. Poussé par nos Maîtresses pour entrer dans une minuscule cage pour assister à la suite des évènements et notamment le moment du gâteau. L’ambiance est sombre et pourtant j’ai l’impression que tout le monde me voit à nu. Personne ne s’intéresse forcément à notre condition étant donné que Madame Lule souffle ses bougies et pourtant j’ai l’impression que tout le monde nous regarde. Un doigt enduit de gâteau au chocolat vient me violer la bouche. Ma Maîtresse, toujours attentive à me nourrir ou à m’hydrater directement de sa salive.

Le côté exigu de cette cage fait qu’on ne peut échapper à rien. A disposition de toutes et de tous. Mais surtout de ma Maîtresse.

Je pense que j’aurais encore pu rester longtemps dans ce château, dans cette cage, dans cette ambiance, à vivre et poursuivre cette expérience mais malheureusement l’heure de la fin des festivités s’approche pour nous. Trop tôt, bien évidemment. Mais l’expérience n’aura pas tourné court. Elle m’aura fait vivre des choses nouvelles et conforté dans l’idée que le BDSM représente aussi une communauté à laquelle je me plais à appartenir. Et si je suis la chienne de Maîtresse Blanche, j’ai plaisir à faire les rencontres qu’elle m’autorise à faire car à chaque fois je rencontre, vraiment, de belles personnes. A suivre, sûrement.

Commentaires

Articles les plus consultés